Bataille navale fabuleuse contre la mérule

...le 21 octobre 1805, devant le cap de Trafalgar. Il y avait, ce jour-là, un navire au moins qu’ils auraient bien voulu couler. Le navire amiral, celui d’Horatio, vicomte de Nelson : le « Victory »...

...Le « Victory », au moment de Trafalgar, à force de réparations, n’est plus le même bateau que celui qui avait été lancé !... Entre les chantiers navals et la mérule, c’est donc la course de vitesse : il faut sans arrêt mettre le navire à sec, pour changer telle membrure, telle partie du bordé ...

Lancé en 1765, le « Victory » revient à soixante-trois mille livres... Quelques mois plus tard, il faut déjà changer les pièces. Coût : treize mille livres. En 1787 et en 1800, il faut pratiquement tout changer. La facture en est à trois cent soixante-douze mille livres : plus de six fois le prix de la construction !

Un chercheur américain, spécialiste de l’histoire de la marine en bois, affirme que jamais l’Angleterre n’aurait pu disputer un deuxième Trafalgar ! Il aurait fallu mettre toute la flotte à sec, pour remplacer les pièces pourries. Les finances de la nation ne l’auraient pas supporté.

La faute à qui ? À la mérule.

Les Français n’auraient eu qu’à attendre deux ou trois ans ; le temps que la flotte ennemie, lamentablement, s’effondrât. Il est vrai qu’ils étaient logés à la même enseigne. Comme les Anglais, ils massacraient leurs forêts de chênes pour construire des navires, et s’inquiétaient de ne plus trouver d’arbres assez gros. Sait-on que pour construire un seul vaisseau de troisième rang, de taille moyenne, on abattait trois mille chênes, chacun fournissant deux cents mètres de planches ?

On peut donc estimer que le navire de Nelson, pratiquement reconstruit deux fois en plusieurs épisodes, et qui était l’un des plus gros, a coûté dix mille chênes ! À cause de la mérule.

Si Espagnols et Français s’avouent vaincus après Trafalgar, la mérule, elle, continue à vouloir détruire le « Victory ». Si bien que. pieusement ramené à Portsmouth, après la victoire, et déclaré monument national, le glorieux vaisseau se désintègre de plus belle : comme si le succès l’avait pourri. En fait, comme il ne navigue plus, il est encore moins aéré, ce qui favorise l’action de la mérule. Comprenant du moins que le champignon vit dans l’humidité, les Anglais allument des poêles dans les cales pour les sécher : la vapeur humidifie l’entrepont, dont la mérule, aussitôt, se saisit.

Les Anglais badigeonnent, carbonisent, en vain. C’est alors qu’un inventeur se présente, affirmant connaître la solution. Résultat : une formidable explosion, qui fait six morts – dont lui – et quatorze blessés. La mérule pleure un peu plus que d’habitude... et continue.

C’est à cause d’elle, finalement, qu’apparaît en 1863, le premier cuirassé en fer. Il faudra attendre le XXe siècle, pour trouver les moyens de lutter contre la mérule : d’abord aérer, ensuite traiter les bois par des phénols. La marine espagnole, pourtant vaincue elle aussi à Trafalgar, ne l’a pas été par la mérule. Le plus beau et le plus puissant navire de la bataille, et de tout le siècle, n’était pas le « Victory », c’était la « Santissima Trinidad ».

Elle avait à son bord mille deux cents soldats et marins. Quand les Anglais la sabordèrent ce fameux jour de 1805, elle avait trente-six ans et toutes ses membrures. Sur son bordé de six centimètres d’épaisseur, pas la moindre trace de mérule : parce qu’il était en acajou, venu des colonies espagnoles. Or, la mérule a beau pleurer, l’acajou reste insensible. Telle fut la guerre entre deux incompatibles amoureux de la marine britannique : l’amiral, un genre de dur impassible et la mérule, « une molle agressive ». C’est elle, et non la force des canons, qui eut raison de la marine en bois.

Copyright Jean-Pierre Cuny 1987

Extrait [pages 55-58] de – L’aventure des plantes, 51 histoires extraordinaires, Fixot éd., 1987. (avec la participation de TF1. Préface de Jean-Marie Pelt). ISBN : 2-8765-002-X. Format 15,3 x 24cm, 238 pages.

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